De plus en plus de grandes entreprises se sont engagées à adhérer aux normes environnementales les incitant à réduire leur emprunte carbone afin de préserver la planète et le climat.
Cet engagement se traduit par une multitude d’actions, comme la réduction de la consommation d’énergie, l’investissement dans les énergies renouvelables, limiter les déchets, organiser les déplacements des salariés, …
Mais ces différentes actions ne doivent pas réduire la productivité et la rentabilité des entreprises, car si c’est le cas, ces engagements en pourront tenir à long terme.
Et les PME , comment gèrent-elles cette transition ? Sont-elles aussi sensibles à ces nouveaux enjeux ? Ont-elles des obligations ?
Voici ci-dessous un article offert par MANDARINE GESTION , et qui nous apporte des réponses très concrètes.
Les PME en route vers la CSRD ?
Candice Boclé, Directrice de l’Investissement Responsable, Mandarine Gestion, Juillet 2024
A partir de 2025, les petites et moyennes entreprises devront publier des rapports transparents et vérifiables pour prouver leur engagement en matière de transition écologique. L’indulgence sera de rigueur pour celles qui commencent à reporter. Cet exercice de normalisation va progressivement mobiliser la majorité des équipes en interne. Nouvelle contrainte ou opportunité de transformer certaines cultures d’entreprise ?
Quoi ? Quand ? Comment ?
À peine SFDR et la taxonomie européenne entrés dans le jargon de la finance durable, voilà qu’un nouvel acronyme s’invite dans la soupe de l’alphabet ESG : la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), réglementation européenne adoptée en 2023. D’ores et déjà, certains parlent d’une nouvelle ère pour le reporting. D’autres d’un durcissement du cadre actuel avec de nouvelles exigences de publication de données de « durabilité » (ex-« extra-financières », qui laissaient entendre que les liens avec le financier étaient… extérieurs…).
En réalité, cette nouvelle directive, dont la pierre angulaire réside dans le principe de la « double matérialité », permet de repérer les enjeux qui sont à la croisée des chemins : d’une part les impacts que l’entreprise occasionne et, d’autre part, ceux qu’elle subit. Avec plus de 50 000 entreprises concernées et jusqu’à 1 180 points de données à collecter, la CSRD a l’ambition de rapprocher les sociétés des acteurs financiers en créant un langage commun et en suscitant la confiance.
Une réglementation au potentiel transformateur
A l’inverse des données financières, les données ESG ne sont pas, traditionnellement, compilées dans les mêmes logiciels que les données financières de budgétisation, de clôture et de consolidation. En revanche, leur intégration obligatoire au rapport annuel de gestion représente un véritable changement et a le potentiel de contribuer à des réductions de coûts significatives ou une progression des profits. Par exemple, dans le secteur de l’immobilier de bureau, un bâtiment écologique bénéficie souvent de taux d’occupation plus élevés car les entreprises privilégient de louer des « espaces verts » pour s’aligner sur leurs valeurs et à mesure qu’elles s’engagent à atteindre des objectifs de réduction de leurs émissions et à intégrer l’ESG dans leur stratégie. Par conséquent, l’immeuble écologique peut générer des loyers plus élevés, produisant en moyenne un loyer de base par mètre carré supérieur de 2,5 % à 5% à celui de l’immeuble non écologique, ce qui correspond au taux du marché pour les immeubles de bureaux certifiés LEED, augmentant ainsi le revenu brut potentiel généré par le bien immobilier.1
Certaines sociétés de petite ou moyenne taille n’ont pas attendu 2025 pour communiquer sur leurs données ESG. Cela leur permet de se positionner sur le segment des entreprises à mission ou d’acquérir des labels durables qui viennent nourrir leurs initiatives individuelles ou disparates.
Le lien entre RSE, finance et innovation pousse les entreprises assujetties à se poser la question du pilote dans l’avion. Un certain flou peut être observé au sein des PME, qui n’ont pas forcément intérêt à communiquer pendant cette phase d’anticipation sur ce qu’elles sont en train de mettre en place. Il est fort à parier qu’elles s’inspireront de ce que les grandes sociétés, plutôt en avance sur ce sujet, auront publié en année 1.
Les PME sont-elles suffisamment équipées ?
La question du développement durable est au centre de nombreux projets entrepreneuriaux depuis quelques années déjà. Cependant, la mise à niveau en termes de réglementation va imposer un véritable effort d’information, de préparation et d’engagement pour les PME. Nous nous attendons à ce que la nature transverse et la rigueur du reporting de durabilité impliquent une mobilisation des Directions Financières, RH, Achats, Communication, Opérations et le soutien de la Direction Générale. Les équipes RSE, lorsqu’elles sont en place, devraient devenir des intermédiaires, sollicitées pour leur capacité à faire des efforts de pédagogie et pour être force de proposition.
Il est également possible que les PME soient confrontées à quelques résistances en cas de mise en place d’actions concrètes pour atténuer ses impacts environnementaux. Souvent, le premier poste d’émission carbone est lié à la mobilité (flotte de véhicules essence ou diesel). Accompagner les collaborateurs vers des véhicules électriques ou hybrides représente parfois un challenge en dehors des grandes villes.
Quand l’entreprise est intrinsèquement ancrée dans le développement durable, comme Séché Environnement, spécialiste de la gestion des déchets, engager les salariés (qui comprennent de nombreux écologues) sur la thématique de la décarbonation fait quasiment partie du modèle d’affaires et de croissance. L’entreprise publie même régulièrement sur son niveau de conformité avec la CSRD (actuellement 60%).
Des forums d’échanges, comme ceux du Forum pour l’Investissement Responsable (FIR), centrés sur l’accompagnement des PME en route vers la CSRD, permettent à des sociétés comme Chargeurs, Fnac Darty, Derichebourg ou encore Linedata de sonder des investisseurs sur leurs attentes et d’évoquer les limites d’une approche parfois basée sur le box-ticking. La CSRD implique en effet de divulguer des informations tangibles, avec sincérité.
« L’intelligence, c’est la capacité à s’adapter », mais non artificiellement
Le compte à rebours a commencé. Cependant, pour la première publication des PME, le niveau d’exigence attendu risque d’être modéré, à l’image des audits, qui certifieront ou non de la sincérité des informations divulguées. La CSRD s’apparente davantage à une montagne à gravir qu’à un long fleuve tranquille. Trouver des compétences en externe (consultants spécialisés) pour effectuer le bilan carbone, suivre des indicateurs prédéfinis et passer à la vitesse supérieure en matière de contribution à la transition écologique pourrait être une option privilégiée. Pour les sociétés de gestion d’actifs comme Mandarine Gestion, fortement investies dans l’univers des petites et moyennes valeurs, la CSRD augmente de façon significative l’accès à des informations brutes et auditées. Avec l’essor de l’intelligence artificielle, reste à savoir si son application facilitera la collecte, l’analyse et la comparaison des données publiées.
1 Brett Johnson & Katie Miller, Looking at ESG’s positive impact on property values, Ernst and Young, 2022